Le
chant de l'éveillé
Ce
livre, « Le chant de l'éveillé », est une nouvelle
traduction de la Bhagavad-Gîtâ, moins deux chapitres qui n'étaient
pas dans le livre original, c'est-à-dire le chapitre premier et le
chapitre onze. Le chapitre premier est la généalogie et la
présentation des personnages du Mahâbhârata, livre de geste
hindouiste n'ayant rien à voir avec l'enseignement délivré par le
livre et le chapitre onze, qui n'est qu'une suite de louanges à
Dieu.
La
Bhagavad-Gîtâ est un recueil des enseignements d'un maître-parfait,
c'est-à-dire d'un éveillé, comme sri Gautama l'était. Ce
maître-parfait, cet éveillé, personne n'en connaît le nom, ni
l'histoire ; il a été totalement oublié. Il ne reste que les
traces de son enseignement, compilées dans « Le chant de
l'éveillé ». Certains traduisent le mot « Bhagavad-Gîtâ »
par : « Le chant du bienheureux », ou « Le
chant du Seigneur », mais le mot bienheureux désigne, dans ce
contexte, un éveillé.
La
Bhagavad-Gîtâ daterait d'une époque comprise entre le cinquième
et le premier siècle avant notre ère et elle serait, à l'origine,
une Upanishad, c'est-à-dire un ensemble d'écrits considérés comme
sacré, elle aurait été la « Bhagavadgîtopanishad ».
Le
mot sanskrit « Unpanishad » signifie « Venir
s'asseoir respectueusement aux pieds du maître pour écouter son
enseignement », ce qui correspond à « aller au
satsang ». Satsang veut dire « compagnie de la vérité »
et désigne, sur La Voie, un des quatre piliers qui font sa sadhana,
c'est-à-dire l'ensemble de sa pratique.
Le
mot « Upanishad » signifie « audition »,
« oreille », « connaissance révélée » ou
shruti (en sanskrit), ou encore « vijnana ». Dans « Le
chant de l'éveillé » (ou Bhagavad-Gîtâ), il est très
souvent question de « connaissance » et ce mot, dans le
contexte de ce livre, désigne deux choses : la révélation de
la vérité, la parfaite conscience de la béatitude (satçitananda)
et la pratique spirituelle en elle-même, la sadhana. Les Upanishad
sont des prolongements des « Veda-Samhitas ». On dénombre
plus de cent Upanishad différentes, dont dix principales. Les
Upanishad majeures sont les plus anciennes, on les pense écrites
entre huit-cent et cinq-cent ans avant notre ère.
Quand
bien même la Bhagavad-Gîtâ serait une Upanishad, que ça ne
changerait rien à l'enseignement spirituel qu'elle contient et que
l'on ne connaisse rien à celui qui l'a inspirée. Le maître,
l'éveillé a disparu des mémoires. Les hindouistes, vers le premier
siècle avant notre ère, ont récupéré ce livre et ils l'ont
réécrit, de façon à ce qu'il entre dans le « Mahâbhârata »,
une sorte de « chanson de geste », qui raconte la grande
guerre entre deux familles nobles, les Pandava et les Kaurava.
Les
Aryas, qui ont composé ce grand poème vers la fin du premier siècle
avant notre ère, n'ont pas écrit un livre d'enseignement spirituel,
il s'agit juste d'un poème épique, qui raconte les aventures de ces
deux familles. En Inde, les enfants lisent des petits fascicules où
sont racontés, sur le mode « aventures romancées », ces
épisodes du Mahâbhârata. Le seul contenu spirituel de cette saga,
c'est la Bhagavad-Gîtâ ! Mais ce livre ne faisait pas partie de
cette histoire des Aryas ! Ils ont ajouté, à la Bhagavad-Gîtâ,
un personnage du Mahâbhârata, Arjuna, et remanié le texte original
de façon à en faire un dialogue entre lui et « Krishna ».
Le
maître, l'éveillé qui enseignait la « connaissance »
était un homme autochtone, sombre de peau, comme les Dravidiens ou
le peuple Mundas et les Adivasis actuels. Les Aryas, venus de la
Bactriane (région à cheval sur les états actuels d'Afghanistan, du
Tadjikistan, et de l'Ouzbékistan, située entre les montagnes de
l'Hindou Kouch et le fleuve Amou-Daria.) et des plateaux de Perse
(l'Iran), étaient clairs de peau. Comme ce maître était « noir »,
de type dravidien, ils le surnommèrent « krishna », ce
qui signifie « le sombre » ou « le noir », on
pourrait même dire : « le nègre ». Dans les Védas
originelles, celles des Aryas, toutes sortes de gens étaient ainsi
surnommés, hommes comme femmes.
Les
hindouistes ont déifié ce maître-éveillé, "Krishna",
en ont fait un avatar de Vishnou, un des trois Dieux de leur
Trimurti, avec Shiva et Brahmà, afin de le faire entrer dans
l'hindouisme. D'autres en ont fait le Dieu suprême. C'est comme pour
sri Gautama, le bouddha (éveillé) le plus connu, qui vécu vers le
sixième siècle avant notre ère, que l'on a aussi déifié. Les
hindouistes, grands récupérateurs, en ont fait, comme pour krishna,
un avatar de Vishnou, alors que lui-même, sri Gautama, ne s'est
jamais prétendu autre chose qu'un
simple être humain ordinaire (Walpola
Rahula, « l'enseignement du Bouddha », 1978, coll. point,
ed. du Seuil, Paris). Certains versets, tout au long du livre, ont
été ignorés, ils ne servaient que de justification du faux
dialogue entre Krishna et Arjuna, et ont été ajoutés au texte
originel, dans le but de l'intégrer au Mahabharata. Pour le reste,
la traduction nouvelle a été éclairée par la connaissance intime
de la mystique enseignée, que le traducteur pratique quotidiennement
depuis 1975.